Alimentation

Le modèle alimentaire traditionnel des Français, reposant notamment sur la convivialité, la diversité alimentaire et la régularité des horaires des repas, est de moins en moins suivi par les jeunes générations. Pourquoi ? Les explications de Pascale Hébel, directrice du département Consommation du CREDOC, recueillies par Nutrinews lors d’une conférence récente de l’IFN*. Pendant et après la deuxième guerre mondiale, la France a connu des années de « privation» et de « rationnement» qui ont marqué les générations d’alors, notamment dans leur façon de s’alimenter. Puis sont apparues les générations « réfrigérateur » et « robot ménager» (1950/60), suivies des générations « hypermarchés » (1970/80), et « aliments services» (1980/90), pour faire place à la fin du siècle (1990/2000) aux générations « hard discount ».

Ces changements de générations et surtout leur chevauchement explique pourquoi on assiste aujourd’hui non pas à une disparition du modèle alimentaire français, mais à une modification progressive de ce modèle : diminution du nombre de plats et des temps de préparation, irrégularité des horaires de repas, essor des produits transformés au détriment des produits de base… Une évolution qui répond aux changements des modes de vie, qui demandent gain de temps, praticité et commodité. Praticité et commodité : essor des produits transformés au détriment des produits de base L’évolution des modes de vie, notamment le travail des femmes, les temps de trajet domicile-travail, l’augmentation du nombre des ménages constitués d’un seul adulte (célibataires et familles monoparentales), l’augmentation de la durée des études réduisent le temps à consacrer aux courses et à la préparation des repas.

La recherche du temps pour soi !

De plus, dans une société imprégnée de loisirs, les nouvelles générations sont en recherche constante « de temps pour soi ». Toutes les nouvelles générations —quelle que soit leur catégorie sociale — sont ainsi de plus en plus à l’affût de produits qui épargnent au maximum les corvées : épluchage, lavage, préparation et cuisson… Ce qui se traduit par une baisse de la consommation des produits de base (fruits et légumes, pommes de terre, pain, viande de veau et de boeuf, poissons, beurre…) et par une hausse de la consommation des produits transformés : ultra-frais, plats préparés et en conserve, boissons rafraîchissantes sans alcool et produits diététiques.
Des plats « tout prêts » qui procurent un gain de temps substantiel et participent à la simplification des repas. Praticité, commodité, plaisir. Pour Pascale Hébel, il y a peu de chance pour que ce phénomène s’inverse, compte tenu d’un double effet d’âge et de génération : non seulement les individus des générations récentes consomment davantage ce type de produits, mais en plus ils en consomment davantage à mesure qu’ils vieillissent.

On dîne plus tard et moins longtemps

Davantage de flexibilité dans les horaires. L’horaire du dîner a connu une forte évolution en un siècle. Lui, qui fut longtemps le repas du milieu de la journée, a vu ses horaires devenir de plus en plus tardifs, jusqu’à prendre la place du souper. Aujourd’hui, si ce repas se situe le plus souvent aux alentours de 20 heures, on assiste en réalité, à un nouveau phénomène caractéristique des nouvelles générations : l’heure du dîner est de moins en moins la même chaque soir. C’est l’horaire qui s’adapte à l’individu et non plus l’inverse. En 2003, plus de 20 % des Français ne dînaient pas à heure fixe (variation de plus d’une heure au moins) alors qu’ils n’étaient que 15 % en 1995. Une augmentation qui s’explique principalement par les effets de génération et qui laisse présager une accentuation de cette tendance. On passe de moins en moins à table et le repas se simplifie

Depuis le XVIIIe siècle, la table entourée de ses chaises joue un rôle déterminant dans l’ordonnance du repas. Aujourd’hui pourtant, elle voit sa fonction diminuer et être peu à peu remplacée par le « plateau-repas ». On mange ailleurs qu’à table, sur un plateau, devant la télé ou au salon. Une pratique qui fait même irruption dans l’univers de la réception et de la convivialité, puisque 10 % des Français servent parfois un « plateau-repas » à leurs invités. Le plateau appartient désormais aussi au quotidien, puisqu’un ménage sur deux y sacrifie au moins une fois par semaine. Le « plateau-repas » est plus fréquent chez les jeunes (68 % l’utilisent, contre 30 % des 65 ans et plus), les Parisiens (36 % y recourent au moins une fois par semaine, contre 21 % des ruraux), les personnes seules (deux fois plus nombreuses que la moyenne à faire un plateau-repas tous les jours), ainsi qu’au sein des familles monoparentales (75 % l’utilisent, contre 38 % des couples sans enfants).

Le boum des plateaux repas… Vite préparé et vite mangé !

« Là encore », précise Pascale Hébel, « e n’est pas tellement l’âge qui joue, mais plutôt un effet de génération : le pourcentage de ménages qui font des plateaux-repas devrait donc encore augmenter dans les années à venir ». Côté repas, la tendance à la simplification, déjà amorcée il y a quelques années, semble désormais bien installée. La formule du « repas complet » à quatre composantes (entrée, plat, fromage et dessert) est progressivement abandonnée au profit du repas à deux composantes, dans lequel le plat principal est complété par autre chose (fromage ou dessert). Toutes les générations sont concernées. Entre santé et plaisir. Aujourd’hui, 85 % des Français estiment que la manière dont ils mangent influence leur état de santé.

Dans cette optique, l’alimentation vise à améliorer la santé, le bien- être, et à réduire le risque de voir apparaître certaines maladies. A cela, s’ajoute quand même une notion de goût et de plaisir, bien ancrée dans la culture française. Les adultes comme les enfants privilégient encore cette dimension, avant toutes les autres… Pourvu que ça dure !

Des comportements alimentaires liés aux générations

Génération « privations » (1907-1916). Ils ont eu 25 ans entre 1932 et 1941, période de crise (le krach boursier) et de guerre. Caractéristique de leur comportement : la consommation de pommes de terre. Ayant connu les guerres et les privations, ils lui restent très fidèles. Cette préférence est également liée à la présence de la pomme de terre et d’autres féculents dans les potagers d’autrefois, et donc à un savoir culinaire plus important sur cet aliment.

• Génération « rationnement » (1917-1926). Ils ont eu 25 ans entre 1942 et 1951, période de rationnements alimentaires. Leurs comportements sont assez proches de ceux de la génération « privations ».

• Génération « réfrigérateur » (1927-1936) Ils ont eu 25 ans entre 1952 et 1961, c’est-à-dire au moment où le réfrigérateur est apparu. En permettant une meilleure conservation des aliments, cet appareil va changer les comportements alimentaires.

• Génération « robot ménager » (1937-1946). Ils ont eu 25 ans entre 1962 et 1971 et ont connu une révolution dans la préparation des repas : l’apparition du robot électrique, qui permet un gain de temps considérable et va contribuer à diminuer le temps de préparation des repas. C’est aussi avec cette génération que va se développer la consommation de produits exotiques.

• Génération « hypermarchés » (1947-1956). Ils ont eu 25 ans entre 1972 et 1981, époque du développement des hypermarchés. Cette génération les fréquente volontiers.

La durée de préparation des repas se met à diminuer.

• Génération « aliments services » (1957-1966). Ils ont eu 25 ans entre 1982 et 1991. C’est à cette période qu’ils ont pris l’habitude de consommer des plats achetés tout prêts, préférant consacrer leur temps libre à d’autres activités que la préparation des repas.

• Génération « hard discount » (1967-1976). Ils ont eu 25 ans entre 1992 et 2001.
Délaissant les hypermarchés, de plus en plus infidèles aux marques, ces consommateurs, fortement attachés au rapport qualité — prix, se tournent vers le hard discount. Dans cette génération, qui marque une rupture dans le respect des horaires de repas, 25 % des individus de 30 ans ne dînent pas à heure fixe. Alors que dans la génération précédente, au même âge, 20 % seulement dînaient à heures variables.

* Pour en savoir plus : Institut Français pour la Nutrition – conférence du 15 mars 2007 – Lettre scientifique n° 118 – Tél : 0145 00 92 50

Sources Nutrinews

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